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Le rapport sur la compétitivité européenne, rédigé par Mario Draghi et remis, lundi 9 septembre, à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dresse un constat implacable sur les fragilités de l’Union européenne (UE). L’ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) évoque une « crise existentielle » qui doit provoquer un sursaut sans lequel les Européens devront faire des compromis sur leur niveau de vie et leur souveraineté.
Evolution du revenu disponible, innovation, productivité : depuis près de vingt ans, l’Europe ne cesse d’accumuler du retard sur les Etats-Unis et la Chine. Lorsque M. Draghi prolonge les courbes statistiques, l’avenir paraît encore plus sombre. D’ici à 2040, l’Europe perdra en moyenne deux millions d’actifs chaque année. Quant à la productivité, si elle se maintient à son faible niveau actuel, le continent est condamné à la stagnation jusqu’au mitan du siècle pendant que ses rivaux continueront d’accélérer.
Pour inverser la tendance, le rapport appelle à réorienter d’urgence la politique économique grâce à un effort d’investissement, évalué à 800 milliards d’euros par an, soit 4,7 % du produit intérieur brut européen. Ces financements seraient la condition pour que l’Europe puisse améliorer sa productivité afin d’être capable de financer son modèle social, de maintenir sa prospérité, d’accompagner la transition écologique et de rester maîtresse de son destin face à des rivaux plus efficaces et mieux organisés.
Le talon d’Achille européen peut se résumer dans l’incapacité de l’UE à tirer parti de son vaste marché, qui reste encore trop morcelé. C’est une évidence en matière d’investissements privés. Le parachèvement de l’union des marchés de capitaux permettrait d’orienter l’épargne européenne vers les besoins de financement de long terme. Mario Draghi appelle également à davantage de coopération dans les domaines de l’énergie, de l’innovation et de la défense, et invite à une remise à plat des règles de concurrence et à une simplification administrative et législative.
Le rapport est censé inspirer le travail de la Commission européenne qui est en train de se mettre en place. Toutefois, sans volonté politique des vingt-sept Etats membres, ses 400 pages risquent de rester lettre morte.
Les obstacles potentiels ne manquent pas. Le moteur franco-allemand, qui, par le passé, a su donner les impulsions nécessaires pour faire avancer l’Europe, est en panne. Très affaiblis politiquement, Emmanuel Macron comme Olaf Scholz, le chancelier allemand, ne sont pas en situation d’assumer le leadership nécessaire à l’aggiornamento prôné par Mario Draghi. La France est empêtrée dans sa crise politique et ses déficits. Les thèmes abordés par ce rapport, pourtant cruciaux, sont totalement absents du débat national. L’Allemagne, elle, est au bord de la récession, tandis que son modèle économique doit être revu de fond en comble.
Quant à la question d’un nouvel emprunt commun aux Vingt-Sept suggéré par l’ancien président de la BCE, elle se heurte aux divergences des politiques budgétaires des Etats membres, entre ceux qui, comme la France, sont sous procédure de déficit excessif et ceux qui, à l’instar de l’Allemagne, ne dépensent pas assez.
Les crises ont toujours constitué des aiguillons efficaces pour faire avancer la construction européenne. La difficulté, cette fois, est que le danger du décrochage est un poison lent et peu perceptible à court terme. Les Européens doivent pourtant se convaincre qu’à ne pas agir dès maintenant ils se condamneraient à un déclin inéluctable.
Le Monde
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